Cette maladie saisonnière est apparue en France dans les années 80 ; elle est due à une intoxication végétale des chevaux en prairie (chevaux, poneys, ânes, zèbres...), qui se caractérise par une dégénérescence sévère de différents groupes de muscles, et s’avère mortelle dans 3 cas sur 4. Le tableau clinique est d’apparition soudaine, et il n’existe actuellement aucun antidote efficace ; c’est donc la raison pour laquelle il est impératif d’en connaître les principales caractéristiques, afin d’en détecter les manifestations précoces et surtout de prévenir l’exposition des animaux aux végétaux incriminés.

 

 

Quelle en est la cause ?

 

Maladie musculaire touchant les chevaux au pré au printemps, mais aussi en automne, la myopathie atypique est due à l’ingestion de l’hypoglycine A, toxine contenue dans les graines de plusieurs arbres de la famille des érables. En Europe, c’est l’Acer pseudoplatanus, encore appelé sycomore ou érable sycomore, qui est impliqué, tandis qu’aux États-Unis, c’est l’Acer negundo (ou érable négundo) qui est mis en cause. Toutefois, ce dernier étant une espèce invasive en forte expansion, il peut être responsable de myopathies atypiques plus particulièrement dans le Sud-Ouest de la France.

La toxine incriminée, l’hypoglycine A, se retrouve dans les graines ou samares, mais aussi dans les petites plantules issues de la germination des graines. Ainsi, à l’automne, les chevaux s’intoxiqueront avec les samares tombés sur le sol, parfois dispersés à plusieurs kilomètres de l’arbre d’origine par le vent. Au printemps, les samares germent à l’arrivée des beaux jours, et les petites plantules sont aussi toxiques que les graines. 

La quantité de toxine responsable de signes cliniques n’est pas encore connue, d’autant que la concentration des graines en hypoglycine A varie d’un arbre à un autre, voire d’une saison à une autre.

Après ingestion, la dégradation de l’hypoglycine A par l’organisme entraîne une perturbation du métabolisme et du transport des lipides, que les cellules musculaires ne peuvent alors plus utiliser. On observe une destruction soudaine et massive de plusieurs groupes de muscles essentiels, dont ceux de la posture, de la respiration et du cœur.

 

 

Quels sont les principaux signes cliniques de la myopathie atypique ?

 

Ils sont d’apparition très soudaine. Parfois, il peut arriver que certains chevaux en pleine forme la veille soient retrouvés morts le lendemain.

Les signes les plus couramment observés sont :

 

• Faiblesse générale : la plupart du temps, les chevaux sont incapables de se lever, et sont retrouvés couchés sur la prairie. S’ils arrivent à se mettre debout, ils peinent à rester longtemps dans cette position.

• Raideur dans les déplacements : il peut s’agir parfois du premier signe clinique. La raideur est souvent plus marquée sur les postérieurs.

• Abattement : les chevaux sont conscients de ce qui les entoure, essayent de manger, mais sont très abattus.

• Urine foncée : la miction, spontanée ou provoquée par palpation rectale ou sondage, fait apparaître une urine brune à rouge, très foncée. Cette coloration est due à la libération de la myoglobine lors de la destruction des muscles.

• Muqueuses congestives et/ou cyanosées : elles semblent très rouges ou violacées, cela est bien visible au niveau de l’œil ou des gencives

• Coliques, distension de la vessie

• Tremblements musculaires, transpiration

• Hypothermie : le plus souvent la température rectale est inférieure à la normale (< 37,5°C)

• Fréquences cardiaque et respiratoire plus élevées que d’habitude, parfois grandes difficultés à respirer.

​​​​​​​• Appétit : la plupart du temps, il est conservé.

​​​​​​​• Il apparaît enfin que les jeunes chevaux (moins de 3 ans) ou les plus âgés ou malades sont les plus touchés, tandis que les animaux en surpoids semblent moins à risque.

 

 

Comment poser le diagnostic ?

 

Il repose à la fois sur les signes cliniques et les circonstances d’apparition. La couleur très foncée des urines est un facteur assez déterminant du diagnostic, aussi est-il bien de pouvoir recueillir les urines de l’animal pour les montrer au vétérinaire.

Le diagnostic pourra par la suite être confirmé par différentes analyses, ou par un examen microscopique des fibres musculaires (après prélèvement sur animal mort à l’autopsie).

 

 

Comment traiter ?

 

La myopathie atypique est mortelle dans près de 75 % des cas, dans les 48 à 72 h suivant le début des symptômes.

Pour augmenter les chances de survie de l’animal atteint, un diagnostic précoce est indispensable, suivi de la mise en œuvre immédiate d’un traitement de soutien. Le vétérinaire doit donc être appelé en urgence. En attendant l’arrivée de ce dernier, on limitera les déplacements de l’animal pour éviter d’accélérer la destruction musculaire et donc aggraver son état. Le cheval sera placé dans un endroit calme et abrité, où il pourra être surveillé : prise de température, appétit, transpiration (que l’on sèchera avec de la paille), écoulement nasal, émission d’urine (que l’on pourra recueillir dans un récipient afin d’avancer le vétérinaire).

 

Il n’existe aucun traitement spécifique ni antidote pour la myopathie atypique, et le vétérinaire mettra en place essentiellement un traitement de soutien :

 

​​​​​​​• Antalgiques pour lutter contre la douleur

​​​​​​​• Mise sous perfusion de l’animal, afin de maintenir une bonne hydratation, de soutenir la fonction rénale et de rétablir un bon équilibre électrolytique

​​​​​​​• Sondage vésical si le cheval n’élimine pas spontanément, afin d’accélérer l’excrétion de la toxine et protéger les reins

​​​​​​​• Administration de carnitine par voie orale (pour favoriser l’élimination de la toxine)

​​​​​​​• Administration de vitamines et antioxydants (vitamines B12, E et sélénium) pour soutenir la fonction musculaire et le métabolisme énergétique du cheval.

​​​​​​​• Apport énergétique assuré par des sucres, puisqu’il n’est momentanément plus assuré via les lipides.

​​​​​​​• Protection de la masse musculaire en évitant les périodes de décubitus prolongé (retourner toutes les 4 heures, ou maintenir le cheval debout à l’aide de sangles de soutien).

 

Toutefois, même si la mise en place du traitement de soutien est précoce et énergique, le pronostic reste sombre, et rien ne remplace la vigilance et la prévention.

 

 

Comment prévenir ?

 

​​​​​​​• Même si les prairies où pâturent les chevaux ne sont pas bordées d’érables sycomores, la dissémination des samares par le vent est toujours possible (jusqu’à plus de 100 mètres).

Il pourra âtre utile aux propriétaires de chevaux de savoir reconnaître les arbres dangereux à partir de leurs feuilles et de leurs inflorescences.

​​​​​​​• Durant les saisons à risque (printemps, automne), le temps passé par les chevaux au pâturage sera réduit.

​​​​​​​• Les chevaux seront rentrés les jours de pluie ou de grand vent.

​​​​​​​• L’accès aux prairies où il y a eu des cas de myopathie atypique sera interdit durant les saisons à risques.

​​​​​​​• Une pierre à sel sera laissée à disposition, et les animaux au pré recevront une complémentation en concentrés. Ceux-ci ne seront pas distribués directement à terre afin d’éviter l’ingestion simultanée de samares toxiques.

​​​​​​​• Les abreuvoirs seront vérifiés et nettoyés régulièrement./p>

 

Il existe depuis 2005 un réseau d’alerte européen de la myopathie atypique, mis en place à l’initiative de l’université de Liège : l’AMAG (Atypical Myopathy Alert Group) regroupe des chercheurs et vétérinaires cliniciens confrontés à cette pathologie, et collecte les données épidémiologiques et cliniques auprès des propriétaires et des praticiens, afin d’informer les professionnels de la filière équine en cas d’apparition de cas cliniques. En France, le RESPE (Réseau d’Épidémiosurveillance en Pathologie Equine), mis en place en 2002, participe au réseau européen de surveillance.

 

Rédigé par : Isabelle Mennecier - Docteur Vétérinaire

20/04/2020