Chez le cheval, un saignement de nez (encore appelé épistaxis) peut être assez impressionnant ! Toutefois, les causes en sont relativement variées, parfois tout à fait bénignes, mais aussi potentiellement graves. Alors que faire si votre cheval saigne du nez ?

 

 

Quelle conduite adopter si votre cheval se met brusquement à saigner du nez ?

 

Un mot d’ordre : NE PAS PANIQUER !

La première chose à faire est d’essayer d’évaluer l’intensité du saignement, car c’est ce que vous demandera tout d’abord le vétérinaire.

• S’agit-il d’une trace de sang à l’intérieur du/des naseaux, d’un saignement au goutte à goutte, d’un saignement continu (filet de sang), ou d’un saignement abondant, en jet ?

• Le saignement est-il uni- ou bilatéral ? Rouge vif, ou plutôt foncé ?

• Dans quelles circonstances le saignement est-il apparu : pendant ou juste après le travail ? Après une cause identifiée (coup, égratignure, piqûre d’insecte...) ? Ou au contraire n’importe quand sans raison apparente ?

• Retrouve-t-on du sang dans le box, sur les membres du cheval ? Sous quelle forme : petites gouttelettes ou flaques avec caillots ?

 

Dans un premier temps, si le saignement est modéré et que le cheval reste calme, on peut prendre une éponge propre, ou mieux quelques compresses pour nettoyer délicatement les naseaux avec de l’eau. Cela permet notamment de voir si le saignement persiste ou s’est arrêté, et en observant attentivement, il est parfois possible de visualiser une petite blessure sur la muqueuse nasale, voire un « corps étranger » (brin de paille, insecte, etc.).

Si après ce premier nettoyage, il ne se passe plus rien, ou si on a constaté une petite égratignure, il y a des chances que ça s’arrête là. Si le sang se remet à couler, le jour même ou quelques jours plus tard, alors, il ne faut pas hésiter à appeler le vétérinaire. Il sera toutefois contacté d’emblée si le saignement est abondant, en jets ou en flaques importantes.

 

Les indices que vous aurez relevés seront fort utiles au praticien pour orienter le diagnostic, et prévenir si possible les récidives. Le plus souvent, le vétérinaire pratiquera une fibroscopie, soit sur place s’il dispose d’un appareil portatif, soit en clinique. Cet examen, réalisé à l’aide d’une petite caméra située à l’extrémité d’un fin tuyau que l’on peut diriger, permet de visualiser l’ensemble des voies respiratoires du cheval jusqu’au bas de la trachée, et aide généralement à identifier l’origine du saignement, ou en tout cas à écarter les causes les plus graves.

 

 

 

Quelles sont les causes possibles d’un saignement de nez chez le cheval ?

 

Avant d’envisager les causes possibles, voyons toutes les structures anatomiques qui peuvent être à l’origine d’un saignement de nez chez le cheval :

• Naseaux (recouverts de la muqueuse nasale)

• Cornets nasaux et ethmoïde : ce sont des structures cartilagineuses très vascularisées, situées au niveau du chanfrein de l’animal, en forme de volutes. Leur rôle est de retenir les particules et/ou les corps étrangers, et de réchauffer l’air inspiré

• Pharynx et poches gutturales (= cavités en forme de petits sacs, communiquant avec le pharynx)

• Trachée

• Bronches

• Alvéoles pulmonaires

 

Parmi les sources les plus fréquentes de saignement, on trouve :

 

Irritation de la muqueuse nasale

Le plus souvent, le saignement est très léger, en goutte à goutte et la plupart du temps unilatéral. L’irritation peut être due à l’effort, un environnement poussiéreux, ou encore favorisée par une atmosphère chaude et sèche.

 

• Traumatisme de l’ethmoïde

Très vascularisé, il peut saigner abondamment au moindre choc, et même s’il est bien protégé dans le chanfrein, il peut subir divers traumatismes : corps étranger rentré par les voies nasales, et remonté jusque-là,  sondage naso-oesophagien « maladroit » réalisé par le vétérinaire, ou encore parfois en cas de coliques ou de bouchon œsophagien.

Le saignement qui résulte d’un traumatisme de l’ethmoïde est souvent très abondant, la plupart du temps d’un seul côté. La perte sanguine peut aller jusqu’à 1 à 2 litres, ce qui est assez impressionnant, mais sans gravité.

 

• Hématome progressif de l’ethmoïde

Ce terme désigne une masse qui se développe au niveau de l’ethmoïde, et qui s’apparente plus à une tumeur bénigne qu’à un hématome ; la masse grossit et s’étend, mais ne métastase pas.

Le saignement qui résulte de cette pathologie est généralement intermittent, unilatéral, non lié à l’exercice, et relativement modéré. Parfois, le sang est noirâtre, ou est mélangé à un écoulement muqueux. On peut aussi observer d’autres symptômes associés à cette affection, comme de la toux, des bruits respiratoires, ou un headshaking.

 

• Mycose des poches gutturales

Spécifiques des équidés, les poches gutturales sont des poches d’air en forme de sacs, situées de chaque côté de la gorge, et certaines structures anatomiques très importantes les longent ou les traversent, notamment l’artère carotide interne, l’artère carotide externe, l’artère maxillaire et le nerf vague. L’ouverture de ces poches est toute petite, et lorsqu’une mycose (= champignon) s’y développe, elle est difficile à détecter et à éliminer. En cas de mycose, le champignon présent dans les poches gutturales peut s’attaquer entre autres à la paroi des artères, et la fragiliser. Lors de rupture d’une paroi artérielle, le saignement est alors brutal, en jet (pulsations), intense, et rouge vif. La première fois, il s’arrête généralement de lui-même par formation d’un caillot, mais les dégâts dus au champignon continuent à progresser, et la ou les hémorragies suivantes peuvent être fatales. D’où l’intérêt du diagnostic précoce et précis pour appliquer le traitement adéquat.

 

• Hémorragie pulmonaire consécutive à l’effort

En cas d’effort intense (chevaux de sport essentiellement), les capillaires (= minuscules vaisseaux) qui tapissent les alvéoles pulmonaires peuvent se rompre sous la pression, ce qui provoque un épanchement de sang dans les poumons. La plupart du temps, le sang reste dans les poumons. Toutefois, il peut se produire un saignement nasal, généralement bilatéral et modéré (filet ou goutte à goutte), et associé à une intolérance à l’effort et/ou une baisse des performances. La fibroscopie – s’arrêtant à la bifurcation des premières bronches – ne permet pas de visualiser l’hémorragie pulmonaire, mais le vétérinaire pourra faire analyser le liquide broncho-alvéolaire à la recherche de cellules typiques.

 

• Corps étranger

Ronces, petites branches, etc. pénétrant au niveau des naseaux peuvent s’enfoncer assez profondément dans les voies respiratoires, et entraînent inflammation, gêne et saignements, plus ou moins importants selon leur taille et leur localisation.

 

 

Quel traitement en cas de saignement de nez chez le cheval ?

 

Il est évident que le traitement est très variable selon la cause du saignement.

• Lors d’égratignures ou d’irritation des muqueuses nasales, un traitement médical est généralement suffisant.

• En cas d’hématome de l’ethmoïde ou de mycose des poches gutturales, des traitements locaux seront possibles, mais parfois il sera proposé une intervention chirurgicale. Il faudra alors peser le pour et le contre, évaluer les facteurs de risque, sans oublier le montant des sommes à engager.

• Pour les hémorragies pulmonaires induites par l’effort, le repos et une bonne gestion des entraînements sont la clé du traitement et de la prévention des récidives.

 

 

Peut-on prévenir / éviter les récidives ?

 

Hormis dans le cas d’une mycose des poches gutturales, il est la plupart du temps possible d’agir en amont sur le cheval, son entraînement, son environnement pour prévenir les récidives des saignements de nez.

• Pour les saignements d’origine inflammatoire (irritation, air chaud et sec...), on veillera autant que possible à ne pas placer l’animal dans un environnement trop poussiéreux, et on lui fera faire de l’exercice modéré, notamment lorsque l’air est chaud et sec.

• Pour les hémorragies liées à l’effort, il sera nécessaire a minima d’adapter le travail. En cas de récidives fréquentes et de non-amélioration malgré un entrainement progressif, notamment sur des chevaux de course, la réforme devra être envisagée.

 

En complément de ces mesures, des nébulisations peuvent aider à limiter l’irritation et les risques de récidive...

 

 

La plupart du temps, et malgré leur aspect impressionnant, les hémorragies nasales sont rarement une urgence chez le cheval. Toutefois, plus particulièrement en cas de saignement violent et abondant, cela peut signer une mycose des poches gutturales, potentiellement grave. Votre vétérinaire sera le plus à même de poser le bon diagnostic et de vous proposer le traitement adéquat en fonction de l’origine des saignements.

Généralement, une gestion correcte de l’environnement et de l’entraînement de l’animal lui permettront de récupérer rapidement et de limiter les risques de récidive.

 

 

Rédigé par : Isabelle Mennecier - Docteur Vétérinaire

30/11/2021